samedi, mars 07, 2020

De quoi le coronavirus est-il le nom ?


https://xavieralberti.org/2020/03/04/de-quoi-le-coronavirus-est-il-le-nom/



Soudain tout s’est arrêté. Les avions, les usines, les rassemblements, les voyages, tout. Le monde bas carbone appelé de leurs voeux par bon nombre d’occidentaux s’est subitement mis en place, sans préavis, sans préparation, sans hésitation, comme si nous avions appuyé sur un interrupteur. Plus fort que Greta, plus puissant que l’accord de Paris, plus saisissant que Occupy Wall Street, le Covid-19 a eu raison de tout.
Car il a suffit d’un virus inconnu pour que nous décidions collectivement, presque unanimement, sans vote, sans sommet, sans résolution, sans même de polémique, qu’il fallait agir radicalement et immédiatement, en confinant des millions de personnes, en désertant les rues, en asséchant le commerce globalisé, en vidant les temples, les musées, les pèlerinages et même les bénitiers pour faire cause commune mondiale contre… un gros rhume.
Il ne faut pour autant pas minimiser la nature de ce virus, ni jeter en bloc les mesures qui ont été prises, d’abord parce que ce que nous savons aujourd’hui du coronavirus, nous l’ignorions il y a un mois, ensuite parce que même si la virulence de ce virus est jusqu’à présent plus faible que craint, il tue les plus vulnérables et enfin parce que les chiffres contenus de sa propagation sont d’abord la conséquence des mesures radicales qui ont été prises.
Mais quand même…
La ralentissement de la croissance mondiale ? Rien à faire !
Les bourses qui s’effondrent ? Rien à faire !
Les entreprises à l’arrêt ? Rien à faire !
La prise de température automatique par caméras thermiques ? C’est bien !
L’annulation des évènements culturels, sportifs, religieux, commerciaux dans le monde entier ? Facile !
Le confinement de villes entières ? Logique !
Les avions cloués au sol ? Broutille !
Les quarantaines forcées dans des villages de vacances ? Bien sûr !
Le report des Jeux Olympiques ? Pourquoi pas !
L’arrêt des chaines de fabrication d’iPhone ? Tranquille !
Soudain, sans que nous ne rechignions jamais, nous avons accepté tout ce qui jusque-là nous faisait horreur, à commencer par l’entrave à la libre circulation des personnes et des marchandises… et c’est finalement logique, puisque dans cette époque où tout est grave, rien ne nous excite plus que la catastrophe, que l’urgence, que la « breaking news », bref, tout ce qui nourrit une civilisation dopée à l’adrénaline.
À force d’avoir banalisé l’extraordinaire, l’ordinaire s’est mu en exceptionnel. « Le Covid-19 est un virus respiratoire assez banal » pour reprendre les termes exacts du professeur Daniel Camus, spécialiste en maladies infectieuses et maladies émergentes à l’Institut Pasteur de Lille. Il tue, mais il tue peu… moins qu’une saison de grippe, moins que le paludisme, moins que la diarrhée ou la malnutrition, moins que les accidents de la route, la tuberculose ou le diabète, moins que la guerre en Syrie, le blocus du Yemen ou la pollution dans les mégalopoles. Moins, beaucoup moins. Mais voilà, le paludisme, la tuberculose ou le blocus du Yemen, ça ne mérite pas de « breaking news », ça ne fait pas les gros titres et ça ne fait pas d’audience parce que ça n’excite personne.
Voilà donc le premier enseignement de ce spasme: Le coronavirus n’est pas le nom d’une crise sanitaire mondiale, il est d’abord une nouvelle manifestation du fonctionnement débridé d’un modèle basé sur la croissance et qui ne se régule que par le dysfonctionnement.
Le coronavirus est également un nouveau symptôme plus grave, plus profond et finalement plus virulent de la névrose obsessionnelle de nos société contemporaines, des sociétés où tout se consomme, où tout se consume, où tout se dévore comme un menu big mac, vite, seul et salement, comme n’importe quelle marchandise, à commencer par l’information quand elle est sensationnelle ou sensationalisable.
Mais il y a un second enseignement, plus réjouissant, plus étonnant, plus précieux finalement, car la crise du coronavirus c’est aussi la démonstration de notre incroyable capacité d’adaptation, d’action et de réaction, celle-là même qui nous fait tant défaut face aux sujets véritablement vitaux et devant lesquels nous nous tordons les doigts en nous répétant inlassablement qu’il n’y a pas de problème qu’une absence de réponse ne finisse par régler. Dès lors, et même si nous sur-réagissons face au Covid-19, nous démontrons dans le même temps que nous savons réagir, que nous savons détecter un péril et que nous savons encore nous mobiliser mondialement, collectivement, presque solidairement.
Qu’attendons-nous pour faire preuve de la même volonté et de la même efficacité dès lors qu’il s’agirait de sauver des centaines de milliers d’enfants du froid et des bombes à Idlib, des millions de familles de la faim en Afrique, des centaines de millions d’êtres humains de l’exode partout où le niveau des mers les chassera bientôt, ou même des milliers de migrants, entassés sur des canots pneumatiques, et qui se noient sous nos yeux en Méditerranée…
Malheureusement, pour l’heure, cette capacité à agir ne se manifeste que pour perpétuer plutôt que pour transformer et le principe d’action qui a prévalu comme jamais depuis quelques semaines n’est que le réflexe de protection de notre modèle avant sa remise en marche totale. Car, rassurons-nous, une fois achevé le looping Covid-19, nous reprendrons la course folle de ce Roller-Coster mondial à la rencontre d’un nouveau virage serré où les mêmes sensations déclencheront les mêmes cris hystériques, les mêmes plateaux télé, les même réunions de crise, les mêmes décomptes journaliers, les mêmes images choc, tous acteurs, réalisateurs et producteurs de ce film catastrophe auquel nous participons H24 et dans lequel s’enchaînent les scènes toujours plus spectaculaires d’un incendie géant en Australie, d’un crack boursier à New York, d’une tuerie de masse à Las Vegas ou d’un nouveau virus à Wuhan.
Il y a dans la façon dont nous investissons toutes ses crises successives et dans la puérilité qui nous empêche d’en tirer les bons enseignements, les excès et l’inconsistance  d’une société adolescente et qui peine à en sortir. Nul doute pourtant que notre civilisation occidentale soit en pleine mue, entre deux âges, profitant des dernières heures de cet été qui s’étire depuis l’avènement du capitalisme mondialisé; nul doute également que nous ayons expérimenté au cours de cet âge notre capacité à vivre et à survivre, à détruire et à construire, à prendre et à rendre. Nous savons désormais parfaitement de quoi nous sommes capables. Il nous reste à savoir ce que nous choisirons de faire dans ce nouvel âge, du pire ou du meilleur.

vendredi, mars 06, 2020

Bruckner – De quoi Roman Polanski est-il le nom ?


https://www.lepoint.fr/debats/bruckner-de-quoi-roman-polanski-est-il-le-nom-05-03-2020-2365957_2.php



RIBUNE. Invité à la cérémonie des César, Pascal Bruckner a assisté au naufrage de la pensée et à la naissance d'un nouvel antisémitisme.
 


Publié le  | Le Point.fr


Roman Polanski le 2 mai 2018.



Présent vendredi soir à la soirée des César 2020, j'ai eu le sentiment de vivre en direct le premier pogrom « féministe » de la France d'après-guerre. Jean-Pierre Darroussin refuse de prononcer le nom de « l'innommable » gagnant et crache quelques syllabes dégoûtées. Florence Foresti, animatrice de la soirée, égrène les patronymes de prédateurs sexuels connus, DSK, Epstein, Weinstein avec une allusion à Patrick Bruel en omettant curieusement celui de Tariq Ramadan. Adèle Haenel et Céline Sciamma, dépitées, se lèvent à l'annonce du prix du meilleur réalisateur gagné par Polanski et crient leur honte de la cérémonie. Alors que des manifestantes s'insurgent en dehors de la salle Pleyel, on a vu en quelques heures se succéder une série de symptômes qui rappelaient étrangement la France des années 30, mais avec des acteurs nouveaux. Polanski est d'abord le nom d'une haine de l'homme « blanc, vieux, hétérosexuel, andro centré » pour reprendre les mots d'Adèle Haenel dans une interview au New York Times. Mais au cours de la soirée, cette allergie au mâle blanc s'est muée soudain en catalogue new-look de l'antisémitisme d'hier.
Voilà que l'Affaire Dreyfus fait un retour inopiné en 2020 : les anti-dreyfusards de la fin du XIXe siècle ont trouvé chez nos passionarias des héritières inattendues. Qui est désormais le bouc émissaire dont l'existence, à en croire certaines, déshonore le pays tout entier : un petit juif polonais, citoyen français, qui a échappé à toutes les persécutions, celles des nazis, des staliniens, de la droite morale américaine après l'assassinat de son épouse Sharon Tate mais qui pourrait bien succomber à la vindicte de « féministes » qu'il faudrait appeler plutôt des purificatrices médiévales. C'est Virginie Despentes qui mange le morceau dans un article tout en fureur surjouée, lundi 2 mars dans Libération, lorsqu'elle écrit à l'adresse des jurés des César, tous des hommes « dominants et délinquants » : « Il n'y a rien de surprenant à ce que vous ayez couronné Polanski, c'est toujours l'argent qu'on célèbre dans ces cérémonies, le cinéma on s'en fout. » Le rapprochement est peut-être involontaire, il est du moins maladroit. Qui aime l'argent, le chérit comme un dieu, en fait commerce, usage et usure ? On connaît la réponse. Le Juif, qui est à la fois lubrique et cupide. Il est vrai que Virginie Despentes déchirée entre son idéal de rebelle et son statut de notable des lettres avait manifesté une certaine tendresse pour les tueurs de Charlie Hebdo en 2015 et leurs massacres des douze dessinateurs et collaborateurs du magazine. Ceci explique peut-être cela. Comment des acteurs, des comédiennes et des metteurs en scène qu'on admire, une écrivaine riche et reconnue peuvent-ils basculer ainsi dans la mécanique folle du bouc émissaire ? La haine tient chaud et soude un groupe mieux que tout. Celle que Polanski concentre aujourd'hui a atteint un tel niveau d'incandescence que l'on peut craindre pour sa sécurité.


Le ministre de la Culture s'est transformé en « ministre de la Censure »

« Violeur on te voit, victime on te croit », criaient les protestataires vendredi soir. Les plus radicales hurlaient : « Le kérosène, c'est pas pour les avions, c'est pour brûler violeurs et assassins. » Voici revenue la grande ombre du bûcher qui servait dans l'Europe médiévale à brûler les sorcières, les hérétiques, les Vaudois ou les Cathares, les Maures dans l'Espagne de la Reconquista, les Réformés à partir du XVIe et, bien entendu, les Juifs, à toutes les époques. Des Terriennes, membres d'un groupuscule, ont tweeté, en réaction aux gaz lacrymogènes des policiers : « C'est Polanski qu'il faut gazer. » Ah que ce retour du refoulé est aimable ! Comment se fait-il qu'une certaine extrême gauche d'aujourd'hui ressemble tellement à une certaine extrême droite d'autrefois ? L'historien Léon Poliakov l'avait bien établi : dès qu'une société se fracture en Occident, c'est autour de la figure du Juif maudit qu'elle se ressoude.


Il était déjà scandaleux qu'on ait voulu empêcher la projection de J'accuse à sa sortie, tenté de criminaliser les spectateurs, bloqué l'entrée de certains cinémas, même si ces appels ont, par contraste, transformé le film en objet désirable. C'est la bêtise de l'interdit que de rendre attrayant ce qu'il veut empêcher. Le réalisateur franco-polonais est devenu ainsi, en raison de son immense talent, un damné très récompensé. Il est encore plus désolant que le ministre de la Culture se soit transformé en « ministre de la Censure », en regrettant l'attribution du prix du meilleur réalisateur à Roman Polanski. Tout aussi déplacées les interventions de Sibeth Ndiaye et de Marlène Schiappa qui se sont jointes d'une seule voix à la curée. Que je sache, nous sommes en France et non dans l'URSS d'hier. Il faut dans cette attitude faire la part du conformisme : comme l'a bien établi René Girard, si vous ne voulez pas être crucifié, vous devez participer vous-même à la crucifixion.

Samantha Geimer est honnie par les féministes doloristes

On le sait, Roman Polanski, condamné en 1977 pour viol sur mineur, a plaidé coupable. Il a fait 42 jours de prison et payé une forte amende dans la tradition juridique américaine. Incarcéré à nouveau en 2009 à Zurich pour deux mois, après qu'une demande d'extradition a été adressée à Berne par la justice californienne, il a été relâché, les autorités helvétiques jugeant le dossier non concluant. Sa victime, Samantha Geimer, non seulement lui a pardonné, mais l'a félicité pour les différentes récompenses qu'il a reçues. Elle a en 2009 supplié la justice américaine d'abandonner les poursuites contre son ancien agresseur et se dit débarrassée du traumatisme de l'agression. Elle s'est reconstruite, mène une vie parfaitement heureuse. À l'envers de tout le courant actuel, elle refuse de faire de l'état de victime une identité, ce qui lui vaut d'être honnie à son tour par les féministes doloristes.


Mais l'affaire Polanski ne fait que commencer : une série d'accusations tombe en rafales. Un citoyen israélien, producteur et agitateur, Matan Uziel, promet de payer 20 000 dollars à toute personne qui pourrait incriminer Roman Polanski et reçoit les témoignages de cinq femmes, âgées de 9 à 15 ans au moment des faits présumés. D'autres vont suivre jusqu'à Valentine Monnier en novembre 2019, trois jours avant la sortie du film, dont Polanski conteste la version. Les actes sont prescrits, aucune poursuite judiciaire n'est aujourd'hui engagée contre le cinéaste. Là est son crime. Il n'y a aucune preuve, ce qui est bien la preuve ultime de son ignominie. Comme me l'objectait une journaliste, quand douze femmes vous accusent, c'est que vous êtes coupable. Polanski avait déjà répondu à ce type d'arguments : un mensonge, répété 1 000 fois, devient une vérité. Le cinéaste est ainsi devenu la figure du Monstre, celui dont la mort ou la disparition soulagerait les tensions de la communauté. Dans son cas, la présomption d'innocence s'est muée en certitude d'infamie. Quoi qu'il dise, il est inaudible. Dénoncer suffit : c'est la pratique américaine du name and shame. Le simple énoncé de votre nom suffit à vous placer sur un Mur de la honte où vous serez exposés à la colère de tous.

Le lynchage restera toujours l'arme favorite des impatients

Ce n'est pas seulement le droit de Roman Polanski à une défense argumentée qu'il faut défendre, c'est l'existence d'une justice démocratique qui ne dépende pas du tribunal de l'opinion, lequel transforme la foule en meute. Il a fallu tant de siècles, depuis l'Ancien régime, pour instaurer les garanties d'un procès équitable, installer la séparation des pouvoirs et construire un État de droit. Mais nos enragées balayent ces acquis. Foin des procédures complexes, des contre-interrogatoires, du travail des avocats, de la délibération des juges. La justice est lente, imparfaite ; le lynchage restera toujours l'arme favorite des impatients. Si une femme pointe un doigt vengeur sur un homme, surtout s'il est blanc, le voilà immédiatement incriminé. La lutte contre le viol et les agressions sexuelles est fondamentale. Et il faut saluer comme une victoire les avancées en matière de répression des crimes commis sur les femmes et les enfants. Mais ces progrès risquent de se transformer en exécration du genre masculin tout entier. Tout individu pourvu d'un pénis est un tueur en puissance : car le pénis, vous le savez, est une arme de destruction massive.
Le réalisateur Ladj Ly a été condamné à 3 ans de prison pour violences et voies de fait, dont un avec sursis : malgré quelques proclamations insultantes vis-à-vis de la féministe Zineb El Rhazoui, on estime à juste titre qu'il a payé sa dette à la société et que la récompense des Misérables est méritée. Ladj Ly est un jeune de banlieue, musulman et « racisé » selon la novlangue actuelle. Polanski, lui, n'a droit à aucune indulgence. Rien n'apaisera jamais son crime : celui d'être ce qu'il est, un homme blanc, hétérosexuel, vieux... et juif. Il est préoccupant que la grande cause du féminisme se dévoie dans ces passions mauvaises.

mardi, mars 03, 2020

Une affaire en forme de «poupées russes»





Une affaire en forme de «poupées russes»

Bons baisers de Russie



La fin de parcours chaotique de l’ex-candidat à la mairie de Paris, Benjamin Griveaux, vaut le détour. La situation prête à sourire mais se veut bien plus grave et révélatrice qu’elle en a l’air.


L’affaire Benjamin Griveaux met en perspective un encastrement de ressorts, de causes et d’effets comme l’emboîtement de ces poupées russes appelées « matriochkas ». La plus petite de ces poupées de bois colorées est manifestement russe d’ailleurs, puisque celui par lequel le scandale est arrivé est de nationalité russe : Piotr Pavlenski. Ce personnage sulfureux pourrait bien sûr n’être qu’un leurre. Une poupée un peu plus grande manipulerait cette première poupée russe ; elle serait constituée par une nébuleuse de jalousie, de vengeance, de ressentiments personnels, dont la cible dépasserait la personne du désormais ex-candidat à la mairie de Paris. Mais bien sûr ces deux figurines qui se sont avancées d’elles-mêmes sur le devant de la scène peuvent également être instrumentalisées par des acteurs plus puissants à l’identité plus incertaine qui constitueraient le troisième niveau de la structure.
Le Russe Pyotr Pavlensky (photographié ici en 2012) est un agitateur suspecté d'avoir organisé la diffusion de la vidéo volée olé olé de Benjamin Griveaux © ENPOL/SIPA Numéro de reportage  : 00669975_000001
Le Russe Pyotr Pavlensky (photographié ici en 2012) est un agitateur suspecté d’avoir organisé la diffusion de la vidéo volée olé olé de Benjamin Griveaux © ENPOL/SIPA Numéro de reportage : 00669975_000001
Toutefois, si l’hypothèse de complot n’est pas à écarter d’emblée étant donné la multiplication des soupçons d’ingérence de certaines puissances étrangères dans la politique d’autres Etats, elle ne constitue sans doute pas la dimension la plus inquiétante de cette affaire. Quant au penchant au voyeurisme au sein des populations, il n’est pas non plus une découverte, même s’il est navrant de le constater une nouvelle fois. Cette odieuse dictature de la transparence en politique ne doit pas être confondue, même si elle y participe pleinement, avec le contexte global qui rend possible toute l’affaire : la remise en cause radicale de la notion même de l’individu libre.
La morale prime sur le légal et le légal tend à s’aligner sur la morale. Le licite se confond avec le moralement acceptable. Toute entorse à l’injonction de cohérence entre vie publique et vie privée est répréhensible et légitimement sanctionnée par le tribunal du Peuple, c’est-à-dire aujourd’hui des réseaux sociaux et des médias

Privé, public, croyances et raison

Ce qui s’est mis en place avec l’avènement de ce que j’appelais il y a déjà quelques années, les « nouveaux autoritaires » (Editions du Moment, 2016), c’est en effet une nouvelle relation entre une conception dévoyée de la liberté des personnes et un certain radicalisme politique instaurant le principe de la contrainte sans limite. Ce nouvel autoritarisme confine au totalitarisme tant il vise à dominer l’ensemble des activités humaines, jusque dans l’intimité des alcôves et même des pensées, des désirs. De la base au sommet de la société, certains, de plus en plus nombreux ou du moins toujours plus puissants, imposent leur définition du Bien, conçue comme une vérité absolue, révélée par dieu, ou immanente au Peuple investi de la légitimité suprême.
Les personnes sont considérées comme appartenant toutes entières à l’ordre social qui est un ordre rigoureusement moral. Aucune parcelle d’autonomie, aucune zone d’ombre, aucune marge d’erreur ou d’incertitude n’est permise. Aucune prise de distance, aucune réserve, aucun espace de privauté n’est reconnu à l’individu. Finis l’humour et le second degré, la transgression verbale entre intimes, le secret des reins et des cœurs, la liberté des fantasmes, mais également la prise en compte des paradoxes, des ambiguïtés, des ambivalences des êtres et des choses. Finie donc évidemment, la distinction entre sphère privée et vie publique. Finie enfin la distinction entre croyances et raison.

Le manichéisme en force

L’individu est à nouveau conçu comme une personne totale, ou toute bonne ou toute mauvaise, selon qu’elle se conforme ou non à la pensée politiquement correcte du moment. On a ainsi pu entendre sur un plateau de chaîne info en continu, à propos de la vidéo des ébats de Benjamin Griveaux, que la pratique de « l’adultère révèle la nature malhonnête de l’homme potentiellement dans toutes ses actions ». L’adultère n’est pourtant plus un délit pénal en France depuis 1975. Il reste cependant répréhensible moralement voire même civilement au regard de l’orthodoxie monogamique. Un responsable politique pourra donc être sanctionné politiquement pour avoir dérogé à la morale conjugale dominante.
C’est bien ce qui s’est déjà produit avec Dominique Strauss-Kahn, contraint au retrait de toute fonction politique et charge publique, pour cause de « déviationnisme sexuel ». Car sous couvert de « domination de classe » prétendument exercée sur une femme de chambre, ou à travers l’accusation surréaliste de « proxénétisme », ce qu’on lui a reproché en fait, alors même qu’il a obtenu relaxe et non-lieu de la justice pénale, c’est son libertinage et ses pratiques sexuelles supposées relever du sadomasochisme. Et sur la base de rumeurs et d’accusations qui n’ont pu être prouvées en justice, mais parce que selon l’adage, « on ne prête qu’aux riches », DSK est devenu la figure emblématique honnie du « prédateur sexuel » que tout homme serait en puissance, et du politique en qui on ne peut jamais avoir confiance.

La loi et la morale

Au nom du « respect » et de la justice, un certain terrorisme intellectuel et de plus en plus de pratiques d’agression physique induisent alors des attitudes d’autocensure et de mise en conformité protectrice. Comme sous tous les totalitarismes, une minorité d’activistes confortés par le silence lâche et/ou complice d’une large majorité, terrorise les opposants potentiels, les dissidents, les réfractaires passifs et les imprudents. Le conformisme choisi des uns, alimente celui subi des autres, et réciproquement. Quant aux contrevenants téméraires, insouciants ou inattentifs, ils seront sévèrement réprimés.
Tandis que les années 70 avaient vu progressivement s’étendre le champ des libertés individuelles, notamment concernant la vie sexuelle, un retournement de situation se manifeste à partir des années 2000
La morale prime sur le légal et le légal tend à s’aligner sur la morale. Le licite se confond avec le moralement acceptable. Toute entorse à l’injonction de cohérence entre vie publique et vie privée est répréhensible et légitimement sanctionnée par le tribunal du Peuple, c’est-à-dire aujourd’hui des réseaux sociaux et des médias. L’éthique, cette conduite individuelle éclairée par une exigence morale toute personnelle, relevant du libre arbitre (qui peut au demeurant coïncider avec la morale dominante), est confondue avec le respect de l’ordre moral, imposé par le plus grand nombre et/ou le plus fort.
Tandis que les années 70 avaient vu progressivement s’étendre le champ des libertés individuelles, notamment concernant la vie sexuelle, un retournement de situation se manifeste à partir des années 2000. D’étranges convergences se produisent alors entre d’une part, des préceptes moraux traditionnels religieux, notamment à la faveur d’une nouvelle vague d’islamisation à travers le monde, et d’autre part, de nouvelles injonctions issues paradoxalement du mouvement de libération des années 70 : libération des femmes et des homosexuels, hypostasie du particulier et retour à la « nature ». Car l’individualisme, que l’on confond trop souvent avec l’égoïsme et le consumérisme de nos sociétés occidentales, est difficile à assumer. Il faut bien des ressources psychologiques et matérielles pour s’affirmer comme un individu libre et assumer ses choix. Le besoin de se conformer pour soi-même se retourne alors en volonté d’imposer à tous, la parole d’orthodoxie que l’on vient de découvrir ou de redécouvrir.
Radicalité et conformisme sont les deux faces d’un autoritarisme diffus ou plus institutionnalisé. Un autoritarisme qui ne part pas seulement de la base pour propulser au sommet du pouvoir des autocrates, mais qui se répand aussi au sein des sociétés et s’exprime sous la forme d’une demande plus ou moins confuse de prise ou de reprise en main, de remise en ordre ou de « rappel à l’ordre ». L’autoritarisme est ainsi le produit de la société moralisatrice qui promeut conformisme et servitude volontaire, et du pouvoir politique qui tend à l’autocratie par sa manière forte, tous concurrents dans le justicialisme qui venge, brutalise, rassure et angoisse à la fois. Tyrannie moralisante et dérive totalitaire bien inquiétantes en tout état de cause…

mercredi, février 26, 2020

OU SONT PASSE LES JOURNALISTES DEPUIS 2017 ? CEUX QUI ÉTAIENT PROFESSIONNELS ET AVAIENT UNE ETHIQUE, ILS ONT SOMBRES CORPS ET AMES DANS LA TOURMENTE DU BASHING PROFESSIONNEL


Depuis 2017 qu’Emmanuel Macron est au pouvoir, c’est dire si les Français en avaient marre des magouilles, trafic en tout genre et détournent d’argent à tire larigot et toutes ces associations de malfaiteur et compagnie. La droite et la gauche ne digèrent pas d’avoir été évincées du pouvoir. Tout est bon pour détruire celui qui a pris  leur place. Ce nouveau président par un tour de force, leur a supprimé le pouvoir, et cela, ils ne l’ont pas encore avalé.

 Ces politicards se sont cassé les dents, contre une personne qui prouve que l’on peut être président de la République sans passer par les étapes ancestrales des magouilleurs de 50 ans, il a été plus intelligent que tous ces gros crétins. Mais problème cela a déclenché une réaction en chaîne, ces vieux politicards, sont tellement aveuglé par leur haine, pour avoir à leur yeux été mis à l'écart de la vache à lait,  que certain offusqué et vexé  de ne pas avoir eu leur part de gâteau, font du bashing 24/24,  au péril de mettre la France à genou en conduisant la France vers le chemin de d’extrêmes droites, basculant vers le fascisme. Ces politicards de merde, ces tas de fainéant, d’incapables, de lâches, se sont vendu au plus offrant lorsqu’ils étaient au pouvoir, par peur, par démagogie, par calcul et surtout par leur incompétence, ont servi de tremplin au anti démocrate, ces politicards ont laissé prospéré tout et n’importe quoi pour avoir la paix et par démagogie.

 Les islamo gauchistes, les trotskistes, l’extrême droite, l’extrême gauche et les ennemis de la république que sont les islamistes, se sont  multipliés comme des cafards. Ces élus leur ont laissé un boulevard pour que s'installent les ennemis de la république et de la démocratie.  Il n’y a pas que les élus, certain parlementaire, les plus haineux, les plus tordu, les plus crétins, les plus ignares, mettent en scène le lynchage, la mise à mort, du président de la république, ils lui ont déclaré la guerre, en ouvrant la boite de pandore et laissant libre cours à toutes les idées immondes pour le déstabiliser.

 Il y a aussi la gauche (caviar), les artistes soi-disant de gauche, qui n’en finissent pas de lui cracher dessus et à la gueule par principe, par lâcheté, pour faire mode, sans savoir pourquoi et pour faire comme tout le monde, au risque d'être démodé. Et aussi toute la compagnie de démagogue institutionnalisé, qui ne savent rien faire que d’être contre. S’ajoute à cette liste,  les journalistes qui n'ont plus, leur entrée dans les méandres du pouvoir, fini les copinages et compagnie, ceux-là sont les pires, et se donnent comme objectif de faire du bashing à tout rompre, vexé de ne plus être caressé dans le sens du poil. Détruire coûte que coûte tout ce qu’entreprend le gouvernement en faisant de la destruction massive, en sortant de leur réserve journalistique. Absence d’objectivité, absence d’analyse, aucun recul, cela a fini par le syndrome du #xavierdupontdeligoneses.

 À force de faire de l’anti macroniste primaire, les télés infos et beaucoup des parlementaires inclus, se fourvoient en pactisant avec le diable, les extrêmes, les antis tout, en jouant avec le feu, en étant borderline, en se mettant dans une position de fragilité éthique et cela est intolérable pour les journalistes et pour certains parlementaires. Du jamais-vu, ils perdent leurs âmes. Ils sont prêts à mentir, à déformer la réalité des informations, des articles, à propager des fakes news, des rumeurs.  Ils invitent dans leur émission poubelle, À LONGUEUR DE TEMPS tout ce qu’il y a de plus infect sur la terre et de plus immonde sur tout le territoire français. Les soi-disant experts de mes deux, des ignorants, des imbéciles, des personnes ayant une pensée binaire, des moralisateurs de tout bord, des culs serré, des puritains nouvelle génération, des escrocs, des usurpateurs, des bandits, toutes les extrêmes qu’ils puissent trouver sur le sol français, sont à longueur de temps dans ces émissions de merde des télés info de merde en donnant la parole a des crétins, des incultes des malades mentaux, des fachos, au risque de se décrédibiliser.

 En donnant la parole à des soi-disant journalistes de merde 2.0, genre Gaspard Glanz, Taha Bouhafs, Zemour, et bien d’autres aussi nuls les uns que les autres. C’est soi-disant journaleux invitent autant les extrêmes gauches, que les extrêmes droits, en leur donnant la possibilité de distiller à longueur de journée leurs idées fascistes et malsaines à l’antenne et les instances du CSA reste muet, donc complice. Ces journaleux prospère à l’antenne, en n’ayant aucun recul, en manquant de discernement, d’analyse, de distance. Ils n’ont que le nom de journaliste. Pour notre plus grand regret et désespoir, le professionnalisme et l’éthique, l’intégrité et leur morale, ont disparu des radars. Je les compare à un bateau ivre, qui coule corps et bien au plus profond des abîmes, dans un trou noir. Ils sont passés du côté obscur de leur profession, ils ont vendu leurs âmes au diable.

 Ces journaleux donnent la parole à des ignorants à des crétins à des soi-disant artistes en manque de notoriété, la preuve au sujet de Piotr Pavlenski et d'Alexandra Taddeo, ces journaleux donne la parole à ce grand malade, car Piotr. Pavlenski présente une personnalité « borderline », selon une expertise psy de 2018. Et ce Branco de merde un soi-disant avocat qui a que le nom, se croyant révolutionnaire. Problème, c’est un bobo qui joue au révolutionnaire de salon qui veut se donner des émotions fortes, car sa vie n’est qu’une merdasse infâme, tout ce beau monde veulent soigner leur ego, leur paranoïa, leur manque de public, et un manque affectif incommensurable, ce sont de grand malade de la tête, ils ne sont pas là où ils devraient  être, ils devraient être en hôpital psychiatrique. Les télés infos de merde leur donnent la possibilité de vivre, en leur donnant l’ivresse d’être soi-disant une vedette, un artiste, une personnalité, en quête de reconnaissance.

 Leur seul but est d’être au-devant de la scène, pour remplir l’espace médiatique ils font et disent n’importe quoi même à détruire un homme. Et dépasser les limites de l’indécence, pour eux dépasser la ligne rouge, n’ai plus un problème, cela ne les dérange pas, la société a créé des MONSTRES, et cela avec l’aide des journaleux qui eux même pour de l’audimat tire sur la corde, ils sont sans foi ni loi et ni morale.

Tous se croyant les rois du monde, pourvu qu’ils transforment leur vie en télé réalité. Il y a les incultes et les crétins qui sont propulsés au rang de grand penseur, de grand philosophe, de la société,  l’effet kiss cool de l’imbécilité est passé par là. Tout crétin et inculte ont le droit absolu de passer à la télé c’est le nouveau critère, la nouvelle norme, il ne faut surtout pas être intelligent, ne pas penser, ne pas disserter intelligemment, il faut être ignorant, con, débile, hystérique, et surtout ressembler à certain jaunasse les plus ignares, cela en va de même sur les réseaux sociaux. Le concours est d’être le plus incompétent le plus incapable le plus imbécile, donc un âne bâté.

Un grand vent d’obscurantisme est passé par là, c’est le retour vers les années noires. Depuis 2017, les gilets jaunes, les politicards et les journalistes ont déclaré la guerre à l’intelligence, au savoir, au sens critique, à l’analyse, à la connaissance, a la compréhension, à la raison, au discernement, au jugement et à la finesse. La disparition de l’intellectuel, de la lucidité, de la bienveillance,  a disparue de nos radarsLa société est dans l’ère des barbares, des béotiens, de la haine, du puritanisme, des coincé du cul, de la sauvagerie, de la grossièreté, nous avons découvert à l’ère des gilets jaunes, la bestialité, l’intolérance, l’imbécilité, et surtout l’inculture et les cancres. Misère comment allons-nous remonter la pente, car si on ne se réveille pas, nous glissons indéniablement vers la destruction de la démocratie.  


lundi, février 24, 2020

https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-politique/le-billet-politique-du-lundi-24-fevrier-2020

L'exécutif s'apprête à dégainer cet outil pour mettre fin au débat sur les retraites. La faute à qui ?
Le président de l'Assemblée, Richard Ferrand, pourra-t-il mener les débats jusqu'à leur terme ?

















Le président de l'Assemblée, Richard Ferrand, pourra-t-il mener les débats jusqu'à leur terme ?  Crédits : Geoffroy van der Hasselt - AFP
Quand le visage de François Fillon apparaîtra, à l'ouverture de son procès, y aura-t-il une partie de la gauche pour éprouver un peu de nostalgie ? 
Un souvenir ému pour l'époque du gouvernement Fillon - cette époque où une réforme des retraites était débattue jusqu'à son terme, sans usage du 49.3 ? 
Oui, car en 2010, la refonte des retraites avait été votée par le parlement. Sans recours à l'article 49 alinéa 3, qui permet d'adopter un texte sans vote - ce que s'apprête à faire l'exécutif actuel, selon plusieurs sources au sein de la majorité. 
Allez, on ne poussera pas ce matin la provocation jusqu'à suggérer que la gauche va bientôt regretter le temps béni du dialogue démocratique sous Nicolas Sarkozy, mais enfin l'utilisation du 49.3 qui se prépare est tout sauf neutre. 

Test de paternité

Bien sûr, le nombre d'amendements déposés par l'opposition donne la berlue : 41 000, dont moins de 5000 ont été examinés la semaine dernière à l'Assemblée. La majorité macroniste a raison de dire qu'à ce rythme, il faudrait plusieurs mois, week-ends compris, pour en voir le bout. 
Il est vrai, de même, que cette chorégraphie des amendements verse parfois dans le ridicule... Évoquons par exemple le sous-amendement n°42160, examiné hier. Il vise à remplacer, dans le texte de loi, le terme « annuelle » par les mots « chaque année ». 
Voilà de quoi bouleverser la philosophie générale du projet ! Une trouvaille qui s'apparente moins au concours Lépine qu'au concours de lenteur. 
Cela dit, d'autres propositions de l'opposition sont plus constructives ; un amendement communiste adopté hier à l'Assemblée prévoit de prendre en compte les "gains de productivité" de l'économie française pour piloter le futur système des retraites. 
Mais jusqu'ici, ces instants de co-construction législatives sont rares, pour ne pas dire exceptionnels. 
Voilà pourquoi le gouvernement, qui veut faire adopter sa réforme avant les municipales, compte dégainer le 49.3.
Et dans les prochains jours, vous verrez la majorité et l'opposition se renvoyer la responsabilité de ce 49.3. Vous allez assister, en quelque sorte, à un test de paternité médiatique : qui a enfanté cette situation ? 
Le 49.3 ? "C'est à cause de l'obstruction nihiliste de la gauche", dira le gouvernement. Autrement dit, il y aurait les "obstructeurs" et les "constructeurs". 
Le 49.3 ? "C'est à cause de l'empressement autoritaire du gouvernement", dira la gauche. Autrement dit, il y aurait les "pressés" et les "oppressés". 
Et cela constituera une sorte de duopole : insoumis contre macroniste. Un duel auquel les deux partis ont intérêt, et qui éclipse les propositions de fond réalisées sur tous les bancs, Parti socialiste et Les Républicains inclus. 
Ce combat des mots pour se rejeter la culpabilité n'est pas surprenant, car le 49.3 est un outil risqué. 
Il marque celui qui l'utilise du sceau de la faiblesse et de l'autoritarisme, l'un allant souvent avec l'autre. 
D'ailleurs, ceux qui en ont fait l'usage l'ont parfois regretté, à l'image de Manuel Valls. Juste après avoir quitté Matignon, voici la promesse qu'il adressait aux électeurs :
"Je connais parfaitement les effets pervers du 49.3, je suis lucide et puis j’ai appris, et puis on prend du recul (…). Son utilisation est dépassée et apparaît comme brutale. (…) Je proposerai de supprimer purement et simplement le 49.3". (sur France Inter)
Et la scène politique compte un autre grand opposant au 49.3. Un certain Emmanuel Macron. Très fâché, quand il était ministre de l'Economie en 2015, que cette procédure ait été employée pour faire adopter sa loi Macron : il l'avait vécu comme un échec, lui qui pensait avoir convaincu une partie des frondeurs au sein de la majorité socialiste. 
N'y a-t-il pas une banalisation de ce 49.3 ?  
Avant-hier, on l'utilisait quand la majorité était introuvable (Rocard, 1988).
Hier, on le dégainait quand la majorité était incertaine (Loi Macron, 2015). 
Désormais, on le déclenche quand la majorité est pléthorique mais que le débat est jugé trop long. 
Au moindre malaise dans l'Assemblée, le voici brandi. 
Ce qui était un instrument de dernier recours est devenu le geste des premiers secours, au chevet d'une politique qui veut aller toujours plus vite.
Frédéric Says
https://www.lepoint.fr/debats/caroline-fourest-cette-jeunesse-la-ne-reve-que-d-interdire-24-02-2020-2364124_2.php#xtor=CS2-239

Caroline Fourest : « Cette jeunesse-là ne rêve que d'interdire »

ENTRETIEN. Dans « Génération offensée », l'essayiste s'inquiète que son camp, la gauche, cède à la victimisation, à la censure et à l'obsession identitaire.

 
Modifié le  - Publié le  | Le Point.fr
C'est le cri d'alarme d'une figure de la gauche qui ne reconnaît plus les combats des siens. Dans Génération offensée (Grasset), l'essayiste Caroline Fourest regrette que la jeunesse, inspirée par les campus américains comme par les réseaux sociaux, n'ambitionne plus que de censurer tout ce qui l'offense, là où celle de Mai 1968 rêvait d'un monde où il serait « interdit d'interdire ». L'affaire Mila vient encore de fournir un exemple de cette génération à l'épiderme fragile qui pense qu'insulter un dieu (et non pas des croyants), c'est « aller trop loin », « ça ne se fait pas ». Dans son livre, Caroline Fourest recense les dérives « d'une certaine gauche, moraliste et identitaire, qui n'a plus rien de libertaire ». Des accusations en « appropriation culturelle » pour de simples tresses aux « micro-agressions », les exemples ne manquent pas. Face à ces excès, cette progressiste n'en appelle pas à un retour au « bon vieux temps » où l'on pouvait insulter homosexuels et Arabes, mais supplie son camp politique de retrouver ses racines universalistes et libertaires. Car sinon, prévient-elle, c'est le plus sûr moyen de faire le jeu de tous les Trump de la planète. Entretien.
Le Point : Pourquoi cette génération serait-elle « offensée » ?
Caroline Fourest : J'aime cette génération, plutôt bienveillante et idéaliste. Mais, parfois, elle me surprend par ses emportements. Elle n'a pas mené de vraie guerre, ni connu l'apartheid, la ségrégation, ni le totalitarisme nazi, ni même gagné elle-même la dernière bataille pour le mariage pour tous. En dehors de la noble bataille pour le climat, l'essentiel de ses combats semble être de ferrailler pour des faits absolument futiles au nom de l'« appropriation culturelle ». Comme insulter des chanteuses pour des dreadlocks, des marques s'inspirant de motifs ethniques, attaquer des pièces de théâtre comme Les Suppliantes, refuser d'étudier des classiques contenant des scènes violentes, ou hurler parce qu'un menu à la cantine proposant un plat asiatique ne correspond pas exactement à la recette authentique… Au Canada, cela a pris des proportions folles. Une association d'étudiants a supprimé un cours de yoga pour handicapés pour ne pas « s'approprier » la culture indienne !
C'est le début du phénomène en France, mais, sincèrement, cela ira très vite.
Bien sûr, en partie. Les phénomènes de meute enragée pour cause « d'appropriation culturelle » sont favorisés par le mode de protestation des réseaux sociaux. Mais cette passion victimaire déborde dans la vraie vie, gagne la génération des milléniaux et l'université. Ce qui se passe sur les campus américains est réellement alarmant. Cette gauche victimaire et identitaire n'est pas du tout minoritaire aux États-Unis, au Canada, ni même en France. Ils sont même soutenus par de nombreux enseignants. Toute une génération de professeurs et de chercheurs issus des études décoloniales ou influencés par une approche anglo-saxonne accompagne cette dérive et se coopte. Les jeunes chercheurs universalistes ont de plus en plus de mal à trouver des postes. C'est le début du phénomène en France, mais, sincèrement, cela ira très vite. J'ai longtemps enseigné à Sciences Po, et quand on discute avec les élèves, on voit bien que l'identité religieuse occupe une place à part, et que l'idée de ne pas pouvoir parler de tous les sujets selon sa couleur de peau et son sexe se répand.
Vous donnez des exemples édifiants qui déchirent les campus américains
Le cas d'Evergreen est sans doute le plus effarant. On retrouve dans cette affaire tous les ingrédients qui peuvent expliquer le succès de Trump. Dans cette faculté d'arts libéraux de l'État de Washington, tout est parti d'un « jour de l'absence ». Une fois par an, les élèves noirs ne venaient pas sur le campus pour signifier ce que leur absence retirerait à la société. Pourquoi pas. Mais, en 2017, des étudiants ont voulu interdire aux Blancs de se rendre sur le campus… Bret Weinstein, un professeur de biologie de gauche, antiraciste et juif, s'est inquiété par mail du fait qu'on passe d'un boycott volontaire à une interdiction sur la base de la couleur de peau.
Pour ce simple mail, il a été pris à partie, violemment, par ses étudiants, qui demandaient sa démission, au point qu'on a dû faire appel à la police du campus. À cause de cette intervention, les élèves sont allés jusqu'à prendre en otages les enseignants et le chef d'établissement pour qu'ils demandent pardon. Il faut dire que ce proviseur a récolté ce qu'il avait semé. En début d'année, il avait commencé par obliger ses enseignants à s'humilier en se présentant par leur « race », les Blancs devant s'excuser de leurs privilèges et jurer de ne pas se laisser guider par leur « blanchité ». Cette affaire d'Evergreen a évidemment fait la joie de la droite américaine. C'est un cas extrême, mais il y en a beaucoup d'autres qui vont dans ce sens, où les professeurs qui tentent un peu de pédagogie sont licenciés. À Yale, on songe à supprimer le cours d'histoire de l'art parce qu'on l'accuse de véhiculer un « canon occidental idéalisé ». Voilà une génération qui, au lieu de diversifier les regards sur l'Histoire, de redécouvrir des artistes oubliés par la domination, préfère censurer. C'est l'inverse de Mai 1968, où il était interdit d'interdire. Cette jeunesse-là ne rêve que d'interdire.
Vous citez le cas de Madonna, qui avait déclenché la colère de la droite conservatrice en embrassant un Christ noir dans le clip « Like a Prayer » en 1989. Trente ans plus tard, elle est accusée d'appropriation culturelle pour avoir porté une tenue berbère lors d'une cérémonie de remise de prix sur MTV…
J'ai un souvenir vibrant de ce magnifique blasphème. Nous étions en 1989, l'année où les intégristes de tout bord s'en sont pris à Salman Rushdie, mais aussi à La Dernière Tentation du Christ de Scorsese sorti juste avant. Madonna prenait alors un vrai risque. Elle a violemment été attaquée par les ligues chrétiennes. Aujourd'hui, si elle fait polémique, c'est parce qu'elle met une tenue berbère lors d'un hommage – d'ailleurs raté – à Aretha Franklin ! Hier, Madonna était lynchée par la droite conservatrice. Aujourd'hui, elle l'est par une jeunesse gauchiste qui ne supporte pas qu'on emprunte la culture d'autrui pour lui rendre hommage. C'est confondre homme et pillage. Madonna a le cuir épais, elle tient bon. Mais d'autres cèdent, de manière parfois ridicule. Comme Katy Perry. La chanteuse a déclenché une polémique grotesque pour avoir posté une photo d'elle avec des tresses blondes, qui, au passage, font plus penser à la Khaleesi de Game of Thrones qu'à une coiffure afro. Mais comme les Dothrakis sont peu représentés dans la vie réelle, c'est la gauche victimaire américaine qui lui a fait ce procès en appropriation culturelle. Sa maison de disques lui a imposé une interview contrition franchement embarrassante avec un activiste de Black Lives Matter. La chanteuse y présente ses excuses comme s'il s'agissait d'un crime, qu'elle n'aurait pas dû porter ces tresses que « les femmes blanches » ne peuvent pas comprendre ! Elle promet de « s'éduquer ». On voit de plus en plus d'artistes américains s'excuser d'être blancs. Ils ne se rendent pas compte du nombre de voix qu'ils font gagner à Trump.
Tout ce que touche cette gauche victimaire, elle le transforme en charbon pour l'extrême droite.
Selon vous, identitaires de gauche et identitaires de droite s'alimentent. Pourquoi ?
Je viens des mouvements féministes, homos, et de l'antiracisme, mais justement, parce que je partage ces combats, j'ai passé ma vie à travailler sur l'extrême droite, et donc à examiner ce qui la fait monter. La gauche victimaire défend une vision identitaire de l'antiracisme et du féminisme totalement contre-productive. Si le but est de tout ramener à la couleur de peau, au sexe ou à la religion, tout en considérant que les Blancs sont racistes par nature, on ne risque pas d'avancer ni de convaincre, juste de renforcer les stéréotypes et de monter les identités les unes contre les autres. Penser que la couleur de peau ne permet pas de porter telle coiffure ou d'imaginer des œuvres contre le racisme, c'est le signe d'une assignation terrible. Certains vont jusqu'à rétablir une forme de croyance en une culture authentique, proche de la pureté ethnique. C'est très dangereux. La culture a toujours été un mélange. Elle doit le rester. Si l'on refuse l'emprunt culturel, on refuse le métissage. Tout en créant des polémiques absurdes qui ridiculisent l'antiracisme. On ne peut pas laisser ces combats, si importants, à cette gauche victimaire. Tout ce qu'elle touche, elle le transforme en charbon pour l'extrême droite.
En parlant d'assignation, vous citez la phrase de votre amie Tania de Montaigne : « Entre Michelle Obama et une migrante érythréenne, je ne sais pas ce qu'est une femme noire »…
Tania de Montaigne est l'une de ces voix essentielles qui portent un antiracisme aspirant à l'universel. L'un des déclics pour écrire ce livre vient de nos conversations. J'ai édité son livre Noire dans une collection que je codirige chez Grasset. Un hommage à Claudette Colvin, une héroïne oubliée de la lutte pour les droits civiques, l'une des premières femmes noires ayant refusé de céder son siège à un Blanc dans un bus, bien avant Rosa Parks. L'adaptation en BD a été faite par Émilie Plateau. Pour les ventes internationales, la responsable des achats ne voulait pas du titre Black. Elle craignait la polémique si on appelait cet album Noire, sachant que la dessinatrice était blanche. On n'allait quand même pas appeler Blanche un livre sur le racisme antinoir ! Ça nous a sidérées. Tania et moi sommes de cette génération de quarantenaires coincés entre des plus âgés qui avaient des préjugés et des plus jeunes qui s'enferment dans les clichés identitaires. Cette nouvelle génération est moins antiraciste ou féministe que victimaire et dégagiste. Ses éruptions visent davantage à faire tomber des têtes, à prendre des places, qu'à faire reculer en profondeur les préjugés. Comme si se plaindre permettait d'exister.
C'est, pour vous, l'autre aspect de cette « génération offensée », sa passion pour la victimisation ?
Nous vivons dans une société post-héroïque. Ce n'est plus le courage ou la virilité (et tant mieux) qui permet d'exister publiquement, mais le fait d'être victime. Ce qui est absolument nécessaire pour renverser la domination et libérer la parole, comme #MeToo que je soutiens totalement, tend parfois à infantiliser les minorités. Certains activistes ont tendance à s'enfermer dans ce statut de victime comme s'il s'agissait d'une identité. On assiste à une éclosion d'opportunistes qui se plaignent simplement parce qu'on leur a marché sur le pied. Cela demande beaucoup de courage de dire qu'on a été victime de viol ou de harcèlement. C'est héroïque pour moi. Cela n'a rien à voir avec ces enfants gâtés qui se croient victimes de tout et n'importe quoi. Ils ont l'épiderme si chatouilleux qu'ils osent profiter de cette lutte pour vouloir interdire des films, des pièces, des cours ou des œuvres d'art, sous prétexte d'être « blessés » ou offensés, exactement comme les intégristes. Parfois, ils vont jusqu'à attaquer physiquement tout conférencier ayant une autre vision du féminisme ou de l'antiracisme. Ils ne vont pas s'en prendre à Dieudonné, à Tariq Ramadan ou à des complotistes, régulièrement invités dans certaines universités, mais à des conférenciers universalistes ou à Charlie. À l'université de Lille, ils ont carrément déchiré les livres de François Hollande. Le livre programmatique de François Hollande ! On n'est quand même pas en train de parler de Mein Kampf…
Je suis fatiguée de voir des agresseurs sexuels présumés se comparer à Dreyfus, de Roman Polanski à Tariq Ramadan.
Comment voyez-vous la complexe affaire Polanksi, qui a encore rebondi avec les 12 nominations aux César pour J'accuse  ?
Je ne ferai jamais partie d'une manifestation demandant qu'on interdise ses films. Il ne s'agit pas de déresponsabiliser un homme parce qu'il est artiste, mais une œuvre a le droit d'être jugée pour elle-même. Un long-métrage sur le colonel Picquart et l'antisémitisme mérite d'être montré en France. En revanche, je suis choquée de voir que le nombre de femmes racontant avoir été agressées par Polanski – douze – n'a pas empêché des membres de l'Académie des César de voter pour lui en tant que réalisateur. Je serais embarrassée de le voir monter sur scène pour recevoir ce prix. Comme je suis fatiguée de voir des agresseurs sexuels présumés se comparer à Dreyfus, de Roman Polanski à Tariq Ramadan. L'affaire Matzneff est encore différente. Son œuvre, en soi, promeut la culture pédocriminelle. Cette œuvre pose donc question en elle-même.
Vous évoquez la multiplication des polémiques concernant des acteurs célèbres, comme Scarlett Johansson qui a dû renoncer à jouer un transsexuel. Un acteur doit-il aujourd'hui n'accepter que des rôles conformes à son identité ethnique, à son genre et à ses préférences sexuelles ?
Il y a effectivement cette demande grandissante de choisir des acteurs qui correspondent parfaitement au pedigree identitaire du personnage. De toutes les affaires folles que j'ai croisées en préparant ce livre, celle de Peter Dinklage est la plus sidérante. C'est la négation même du théâtre et du cinéma. L'acteur qui joue Tyron dans Game of Thrones devait interpréter un biopic sur Hervé Villechaize, un autre acteur de petite taille célèbre pour ses rôles dans L'Île fantastique ou James Bond. On se souvient de lui en costume blanc avec une coupe au bol. Du moment où il a annoncé ce projet, Dinklage s'est vu accusé d'appropriation culturelle, parce qu'il est américain et que des internautes ont cru que Villechaize était philippin ! En réalité, Villechaize était d'origine française. C'était un ami de Dinklage. Si le cinéma, c'est faire jouer un acteur de petite taille philippin par un autre acteur de petite taille philippin, autant faire de la télé-réalité. Je crains d'ailleurs qu'au final on ne dissuade des producteurs et réalisateurs de faire des films sur les minorités, à l'image de Girl qui a été vilipendé par certains transsexuels, ou de Detroit de Kathryn Bigelow à qui l'on a reproché d'être blanche alors qu'elle a signé un film magnifique sur les émeutes contre le racisme.
En 2016, vous avez donné des cours sur la laïcité et Charlie Hebdo dans des universités américaines prestigieuses comme Duke. Qu'avez-vous retenu de l'expérience ?
C'était un contexte particulier, juste après l'élection de Trump. Les élèves ont fait preuve de beaucoup de compassion pour les victimes des attentats de Charlie et de Paris. En revanche, dès qu'on a abordé le droit au « blasphème », la laïcité ou le voile, c'est devenu beaucoup plus compliqué. Une élève de tendance indigéniste – qui représente la pensée lambda de la gauche américaine – m'a dit : « Madame, vous ne pouvez pas parler du voile parce que c'est le symbole de la culture musulmane et que vous êtes blanche.  » Je l'ai vivement remerciée pour cette question, qui résumait toute la confusion que j'étais venue démêler, et j'ai entrepris de déconstruire cette série d'amalgames. D'abord, le voile n'est pas le symbole de la culture musulmane. Des musulmanes le portent et d'autres se battent au péril de leur vie pour ne pas le porter. Considérer que le voile symbolise la culture musulmane revient à les exclure de cette culture au profit des plus traditionalistes et des intégristes. Ensuite, si on ne devait aborder la question du sexisme qu'en fonction de sa couleur de peau, il n'existe plus de front commun possible pour les droits des femmes. J'avais face à moi des élèves qui n'osaient plus penser et parler des sujets concernant leur identité. J'ai dédramatisé la situation en leur disant : «  Je suis française. Ma culture, c'est d'offenser. On y va ? » Au début, ils étaient terrifiés. À la fin, tout le monde voulait assister au cours. J'ai vu les corps se détendre, les mâchoires se relâcher et les langues se délier. Il suffisait de lever la terreur. Des professeurs, très émus, m'ont dit : « Tu as pu soulever des questions qu'on n'ose plus aborder depuis des années.  »
Comment l'université est-elle devenue le terrain privilégié de ce que le psychologue américain Jonathan Haidt appelle « la culture de l'offense » ?
Cette génération vit sous la peur du jugement dernier des réseaux sociaux. Elle a intégré que chaque parole qui déborde peut lui valoir une chasse en meute, comme ce qui est arrivé à Mila. En dehors de quelques courageux, cela génère deux attitudes : l'autocensure ou la tentation de hurler avec les loups. Quand on parle avec des étudiants en privé, on voit bien qu'ils ne pensent pas tous pareil. Mais ils n'osent pas aller contre ceux qu'ils savent capables de hurler. C'est valable dans la vie virtuelle comme dans la vie réelle.
Aux États-Unis, une étudiante lesbienne m'a raconté avoir été expulsée de son dortoir à la demande d'une étudiante trans qui l'accusait de « l'insécuriser », juste parce qu'elle s'était demandé à haute voix si dix ans n'était pas trop jeune pour changer de sexe. L'expression d'une opinion contraire est vécue comme une agression physique ! Même si une petite minorité lance à tort des anathèmes, elle va vite emporter l'adhésion du fait du silence des autres élèves, mais aussi de celui de l'administration scolaire, qui ne veut pas de problèmes et ferait tout pour acheter la paix scolaire.
La gauche radicale, dont une frange s'opposait un temps au NPA sur la question de la laïcité, a été emportée par la dérive personnelle de Mélenchon.
En quoi votre critique « progressiste » de cette gauche identitaire se distingue-t-elle de celle de la droite conservatrice sur la « tyrannie des minorités » ?
Les conservateurs ne critiquent le politiquement correct que pour mieux restaurer un vocabulaire décomplexé sur les minorités, la norme d'antan et la domination culturelle. C'est le but des trumpistes et de cette droite identitaire allergique au féminisme et à l'antiracisme. Moi, je ne veux surtout pas revenir en arrière ! Mais, au contraire, qu'on progresse vers l'égalité réelle, qu'on déconstruise les préjugés et les stéréotypes, qu'on brise les plafonds de verre. Je ne veux surtout pas qu'on cesse de s'interroger sur l'absolution dont bénéficient certains artistes agresseurs, ni sur la stigmatisation des minorités ethniques, ni sur l'invisibilisation des femmes. Il faut continuer ce travail, mais en ajoutant d'autres voix et d'autres regards, pas en censurant des œuvres et d'autres paroles. Très souvent, les artistes ou les conférenciers que cette gauche identitaire attaque sont antiracistes pour de bon, mais de façon plus libertaire et plus universaliste. La gauche universaliste se trouve cernée de tous les côtés. Elle est prise en tenaille par la droite et la gauche identitaire, qui s'entendent pour prospérer. Depuis 2004, bien avant ceux qui crient très fort à présent, je dénonce la tentation du déni à gauche sur des sujets comme l'islamisme. Mais je n'ai jamais nié qu'il existe une autre gauche qui résiste ! Aujourd'hui, on essaye de nous faire croire que la droite identitaire serait la seule à avoir du courage. Elle est loin d'être Mila. Elle se sert juste de nos alertes, de nos vigilances, pour tenter d'imposer une vision régressive et dominante de l'identité. La gauche universaliste doit lui barrer la route.
Mais qui, aujourd'hui, représente politiquement cette gauche universaliste ?
C'est bien le problème. Cette gauche est vivante dans la société, présente sur les réseaux sociaux, mais elle n'a plus d'incarnation politique en dehors du Parti radical de gauche. Le PS est moribond. La gauche modérée a été annexée par Macron. La gauche radicale, dont une frange s'opposait un temps au NPA sur la question de la laïcité, a été emportée par la dérive personnelle de Mélenchon. Les hommes politiques portent la lourde responsabilité de ce champ de ruines. Pourtant, celui qui saura capter le cœur universaliste, qui bat si fort dans ce pays, sera sans doute celui qui ressuscitera l'espoir politique.
Génération offensée, de Caroline Fourest (Grasset, 220 p., 18 €). Publication le 26 février.