samedi, janvier 25, 2020

BILLETS Des têtes et des piques

https://xavieralberti.org/2020/01/24/des-tetes-et-des-piques/

24 JANVIER 2020

Vendredi 24 janvier 2020. Il est 7h quand je découvre sur Twitter que la nuit dernière des marches aux flambeaux ont été organisées par les opposants à la reforme des retraites. Je parcours les différentes photos et videos. Les cortèges sont calmes et la lueur de leurs flambeaux leur donne de la force et du relief. Je n’y vois rien de choquant même si je devine certaines références. Les luttes prennent parfois des formes singulières, c’en est une et elle laisse une trace, a priori plus favorable que certains cortèges beaucoup plus violents.
Et puis, soudain, vient cette video… des hommes et des femmes qui défilent sur une avenue, dans la nuit, flambeaux tendus vers le ciel. Certains portent des gilets marqués de leur appartenance syndicale. Ils avancent, lentement, en silence. Deux d’entre eux, en guise de flambeaux, portent des piques au bout desquelles sont plantées des têtes à l’effigie d’Emmanuel Macron.
Je me fige et je regarde cette video plusieurs fois sans plus bouger, stupéfait. La nonchalance de ceux qui portent ces têtes coupées au milieu des flambeaux, tranche avec la violence des symboles qui soudain se conjuguent.
Cette image n’est pas anodine. Ce n’est pas une pancarte de plus. Ce n’est pas un slogan plus fort que les autres. Ce n’est pas un abri-bus dont on brise la vitre. Cette image, c’est celle de la remise en cause de notre mode de vie, de notre démocratie, de notre État de droit, de notre communauté nationale. Et qu’on nous épargne la référence à 1789… C’est justement parce que la Révolution Française nous a gagné la République que nous pouvons contester et que nous pouvons désormais voter pour changer les têtes sans plus jamais avoir à les couper.
Entendons nous bien, il pourrait s’agir de la tête de n’importe quel autre Président de la République, il pourrait s’agir de la tête de n’importe quelle femme ou n’importe quel homme politique, il pourrait s’agir de n’importe quel citoyen, il pourrait s’agir de n’importe qui… dans une République, démocratique, laïque et sociale, qui est fondée sur la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, on ne peut pas accepter que l’on puisse mettre la tête de quelqu’un sur une pique sauf à prôner l’anéantissement des valeurs sur lesquelles s’est bâtie notre nation.
Le sujet ici n’est pas de savoir qui a raison ou qui a tort, si l’âge pivot, les régimes spéciaux ou la retraite par point sont bénéfiques ou pas, si le régime sera équilibré en 2030, 2040 ou 2050 et quel est l’enjeu politique de tout cela sur les prochaines élections… L’enjeu c’est la préservation de la paix. La République et la démocratie sont nos biens le plus précieux et tout ce qui s’en prend à elles doit être condamné. Fermement. Définitivement.
Personne ne peut s’arroger le droit de piétiner ce qui fonde notre contrat social parce qu’il est en désaccord sur telle ou telle mesure politique et personne ne peut décréter qu’il est la République, car la République ne se conjugue pas à la première personne du singulier.
Nous sommes la République, nous tous, assemblés, rassemblés, unis dans le respect de nos lois et de ce qui nous dépasse et que nous devons protéger coûte que coûte, la Liberté, l’Égalité et la Fraternité. Ce ne sont pas que des mots, ce n’est pas qu’un triptyque que le temps a poli aux frontons des mairies et des écoles communales, c’est un pacte que nos aïeux ont scellé de leur sang pour que nous n’ayons pas à faire couler le notre et à qui nous devons de pouvoir vivre libres et debout.
Je refuse de vivre dans un pays où il serait normal que l’on plante des têtes – fussent-elles en carton, en plastique ou en papier mâché – sur des piques. Je suis citoyen et je choisirai toujours la République contre le chaos.

Régime "COMME JE DETESTE"